Ils s'engagent avec le Front de Gauche
Le dirigisme libéral a échoué. Sortons-en ! Il revient aux citoyens de récuser le primat du marché “Le
marché permet-il le progrès économique et social ? Les tenants du
libéralisme économique le pensent. D’autres estiment qu’il ne peut
subvenir à une série de besoins sociaux (plein-emploi, réduction des
inégalités, développement durable, etc.) et que l’intervention publique
reste nécessaire. Le premier reproche que l’on peut faire aux traités
européens est de trancher ce débat en amont, au lieu de se contenter
d’établir un cadre institutionnel permettant aux citoyens de faire des
choix. M. Sarkozy
s'enorgueillit d'avoir obtenu qu'avec le traité de Lisbonne, la libre
concurrence ne figure plus dans les " objectifs " exposés à l'article 3
du traité de l'Union européenne, à l'inverse du projet de Constitution.
Pourtant, un protocole, partie intégrante du traité, stipule que le "
marché intérieur tel qu'il est défini à l'article 3 comprend un système
garantissant que la concurrence est libre et non faussée ". De façon
méthodique, le traité de Lisbonne organise donc la soumission de tous
les instruments d'intervention publique aux principes du marché. C'est
le cas de la politique budgétaire et monétaire : elle doit être "
conduite conformément au respect du principe d'une économie de marché
ouverte où la concurrence est libre, favorisant une allocation efficace
des ressources ". Même lorsqu'ils prêtent beaucoup de vertus aux
mécanismes de marché, la plupart des économistes admettent que, dans
bien des cas, la concurrence libre n'est pas possible et n'est donc pas
en mesure de permettre cette " allocation efficace ". La
crise a deux principales sources : l'austérité salariale, qui a conduit
à l'explosion de l'endettement privé, et la libéralisation financière,
qui a transformé cette dette en bulle spéculative. Mais où sont les
plans européens de réglementation drastique de la finance et de relance
des salaires et des prestations sociales ? Ces
transgressions peuvent servir de point d'appui pour un gouvernement qui
serait soucieux de rompre avec le libéralisme : au nom de quoi
seraient-elles acceptables pour sauver la banque et la finance, et non
pour les domestiquer afin de satisfaire les besoins du plus grand
nombre ? On ne peut pour autant soutenir que les traités ne sont que
des tigres de papier. Juridiquement, ils s'imposent aux Etats membres. Les
gouvernements utilisent depuis longtemps l'UE pour introduire des
mesures qu'ils peuvent difficilement imposer directement faute
d'assentiment populaire. C'est une première entorse à la démocratie. Il
en est une autre aussi grave qui renvoie au jeu propre des institutions
européennes. Au fil des décennies s'y est constituée une véritable
bureaucratie pour qui le libéralisme économique est devenu une seconde
langue. Sachant que le ralliement des gouvernements est potentiellement
fragile, puisqu'ils sont soumis à la sanction des élections, elle leur
impose le plus étroit des corsets. Cela explique la frénésie de détails
des traités. Le libéralisme économique et le dirigisme politique font
décidément bon ménage. La
crise ne peut être une méthode permanente de gouvernement. Mais il est
des situations qui ne peuvent être débloquées que par des crises. La
construction européenne relève clairement de ce cas de figure. Le " non
" lors du référendum de mai 2005 a été une étape en ce sens. Malgré les
menaces agitées, il ne s'est pas traduit par un cataclysme économique.
Ce dernier est venu ensuite, et chacun s'accorde à dire qu'il vient du
libéralisme... que les traités portent au pinacle. De même, un plan B
était possible. Les gouvernements en ont trouvé un, à leur façon, avec
le traité de Lisbonne, explicitement soutenu par les partis
socialistes, et qui, loin d'être " simplifié ", reprend la
quasi-totalité des dispositions de la Constitution. C'est donc aux citoyens qu'il revient, à nouveau, de dire " stop ". Les élections européennes en offrent l'occasion.
Les signataires de ce texte sont des économistes non libéraux, qui
n'étaient membres ni du Parti communiste ni des courants du Parti
socialiste ayant donné naissance au Parti de gauche. Avec d'autres, ces partis ont lancé un Front de gauche
afin de prolonger la dynamique unitaire du référendum. L'urgence qu'il
y a à dessiner des alternatives au capitalisme libéral mérite mieux en
effet que la défense de son pré carré. En gardant notre indépendance
d'esprit, nous soutenons cette initiative. ”Des économistes s'engagent avec le Front de Gauche
Bruno
Amable (Paris-I), Mathieu Béraud (Nancy-II), Anne Eydoux (Rennes-II),
Florence Jany-Catrice (Lille-I), Thierry Kirat (CNRS), Jérôme
Maucourant (Saint-Etienne), Jacques Mazier (Paris-XIII), Matthieu
Montalban (Bordeaux-IV), Stefano Palombarini (Paris-VIII), Christophe
Ramaux, Jacques Sapir (EHESS), Richard Sobel, Nadine Thévenot
(Paris-I), Bruno Tinel, Franck Van de Velde (Lille-I)Ils
sont 14 pour appeler les citoyens à "récuser le primat du marché" et à
soutenir la démarche initiée au travers du Front de gauche